La dissonance cognitive ou l’art de faire des choses qu’on ne cautionne pas

Je ne comprenais pas comment les gens, après avoir vu une vidéo choc d’abattoirs et en avoir été dégoûté, choqué, traumatisé, pouvaient continuer à manger de la viande. Pas dans un sens où je jugeais leur comportement, mais dans un sens où je ne comprenais pas comment c’était possible d’un point de vue technique, cérébral. J’ai posé la question à Google et il m’a sorti tout un tas d’articles sur la dissonance cognitive, j’avais ma réponse !

On fait face à une dissonance cognitive quand plusieurs de nos croyances/pensées sont contradictoires et ne s’accordent pas entre elles ou qu’elles ne s’accordent pas avec notre action (la vertu est importante pour moi mais je fais un boulot où j’escroque les gens ou alors j’aime les animaux mais je les mangent). On fait alors face à un malaise interne, on sent en nous que quelque chose n’est pas logique dans notre comportement et ça nous dérange.

Plus les croyances/pensées sont importantes pour nous, plus la dissonance sera forte, c’est pour ça que les gens réagissent de manière différentes à certaines situations : après avoir vu des vidéos d’abattoirs certains vont y repenser pendant des jours… et d’autres auront oublié dans l’heure qui suit en fonction du degré qu’ils attachent à la souffrance animale. C’est pour ça que certaines personnes ne peuvent plus manger de lapins, ni de chevaux mais continuent de manger des moutons, parce qu’ils ont un lien affectif plus fort avec les lapins ou les chevaux et que leur mise à mort pour la consommation est insupportable pour eux, alors que pour les moutons, c’est moins grave.

Notre esprit n’aime pas les dissonances cognitives et adopte des stratégies qui vont les atténuer pour que les idées et actions contradictoires puissent continuer à exister en nous quand même. Il a différentes stratégies :

  • On évite d’y penser. On évite ou discrédite les personnes ou ce qui pourraient nous rappeler l’objet de notre dissonance : « oh nan mais on va pas parler des abattoirs à table alors qu’on est en train de manger quand même ! » Sous entendu que ça empêche d’apprécier son steak…
  • Se trouver des excuses. On se persuade que les animaux ne sont pas conscients et ne souffrent pas : après tout dans la pub des nuggests pour MacDo, on me dit que les poules sont très heureuses ! On se dit aussi que les poissons ne doivent pas sentir la douleur puisqu’il sont tellement différents de nous. On cherche à dissocier l’animal et la viande, on fait tout pour ne pas faire le lien entre le morceau de viande dans notre assiette et sa provenance.
  • Se convaincre qu’on a pas le choix. C’est souvent l’argument santé : je dois manger de la viande sinon je serai en mauvaise santé. Ou alors d’incapacité d’action : je n’ai pas le choix, ce n’est pas moi qui cuisine ou alors : manger vegan, c’est cher !
  • Se convaincre qu’on a déjà changé son comportement : j’ai déjà réduit ma consommation de viande de moitié, je n’achète que de la viande bio.
  • Changer effectivement son comportement : j’arrête de consommer de la viande. On arrête alors totalement le phénomène de dissonance cognitive : nos pensées sont en adéquation avec nos actions.

 

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Lisa Simpson face à un cas de dissonance cognitive

J’ai pris l’exemple de la viande parce que c’était ma question de départ mais je me suis rendue compte que c’est vraiment applicable à toutes notre vie quotidienne. Par exemple, je suis convaincue que les voyages en avion sur de courtes distances ou des longues distances juste pour le plaisir sont une aberration écologique mais à la fois j’ai bien envie de visiter l’Amérique du Sud un jour et ça va être compliqué d’y aller en barque… Et c’est aussi bien pratique pour aller voir ma famille qui habite à l’autre bout de l’Europe en 3h de vol au lieu de 2 jours de voiture ou de train ou de 45 jours à vélo (je l’ai sérieusement envisagé)… Et puis les week-end à 40€ aller-retour au Portugal ou à Londres sont bien tentants…

Je me pose aussi la question quand, dans le métro ou dans la rue un mendiant me demande de l’argent mais que je lui dis « j’ai rien sur moi, désolé » alors qu’en vrai j’en ai… Arg grand moment de malaise et grand débat avec moi-même : t’aurais pu lui donner une pièce quand même, au moins 20 centimes ça va pas te ruiner ! Oui, mais tu comprends mon porte-monnaie est inaccessible au fond de mon sac à dos et puis attend je peux pas non plus donner à TOUT le monde, ça fait une semaine que je donne quelque chose tous les jours, tu imagines additionné sur l’année ce que ça ferait !? En fin bref vous voyez bien la dissonance cognitive et les excuses que je me cherche.

Alors après peut être qu’il y a des choses qui justifient plus que d’autres nos actions ? Peut être que s’il me reste 3€ dans mon porte-monnaie et que j’ai besoin de cette somme exactement pour manger ce midi, on peut comprendre que je décide de garder l’argent et de ne rien donner. Si je suis sur une île déserte et que ma survie dépend de la consommation d’animaux, on peut aussi comprendre que j’en tue pour en manger.

Mais alors si j’ai au moins quelques pièces à donner ou que j’ai le choix de ne pas consommer de viande parce qu’il existe une abondance de nourriture autour de moi, est ce que toutes les excuses que je trouverais seront à chaque fois le résultat d’une dissonance cognitive que j’essaie d’accepter ? Peut être bien oui…

Et donc faudrait-il que je résolve tous les problèmes de dissonances cognitives auxquels je fais face ? C’est ce que j’ai essayé de faire quand j’ai découvert cette théorie et que j’ai compris ce qui se passait dans ma tête. J’ai essayé d’avoir le mode de vie le plus vertueux possible et d’aligner toutes mes actions à mes convictions. Ça a donné lieu à beaucoup de frustration et de colère… parce que du coup ça demande une rigueur extrême dans son raisonnement pour déterminer ce qu’il est bien ou non de ne pas faire et s’y tenir rigoureusement imposait trop de contraintes dans ma relation avec les autres et plus en général dans la vie en société, en tout cas de la manière dont je l’avais abordé à l’époque.

En faite, je pense que dès que le fait de vouloir régler toutes ses dissonances cognitives devient stressant ou qu’il nous rend agressif, c’est qu’il est devenu un problème en lui même. Et il faudrait alors accepter un peu de lumière et d’ombre à fois, accepter que, oui, on fait face à des dissonances cognitives tous le jours, mais qu’au moins essayer d’accorder ses convictions à ses actes et se poser des questions, c’est déjà bien.

Même si c’est pas parfait, même si des fois on est illogique, comme quand je fais un peu l’impasse sur un produit qui contient de l’huile de palme alors qu’habituellement je les boycotte ou comme quand je ne demande pas au restaurateur de me confirmer qu’il n’y a pas de lait dans ses galettes de sarrasin, mais que je le suppose seulement, juste parce que je n’ai vraiment envie d’arrêter de manger dans ma crêperie préférée… c’est déjà bien (?).

La conclusion de cet article semble plutôt s’orienter vers le fait qu’il faut se questionner, observer son comportement et faire de son mieux pour vivre en paix et en accord avec ses idées sans non plus en faire une fixation, parce que ça aussi, tout comme la dissonance cognitive, c’est un inconfort mental. Le but serait de trouver l’équilibre quoi.

À moins que… les trois derniers paragraphes et cette conclusion ne soient qu’une justification à toutes les dissonances cognitives que je ne voudrais pas prendre la peine de traiter… ahah toute la question est là et je n’ai pas encore la réponse…

Et vous ?
Est ce que certains comportements de votre vie quotidienne vous semblent être des dissonances cognitives ? Jusqu’où faut-il aller pour les supprimer et vivre en accords avec ses idées ?

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